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Les EHPAD publics sont-ils assujettis à la TVA ?

Sur avis du Conseil d’Etat, la Cour Administrative d’Appel de Nantes le 15 février 2022 (affaire n° 19NT04979) s’est prononcée sur la notion d’assujettissement à la TVA des Etablissements de Santé et d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes (EHPAD) publics. On décrypte cette jurisprudence pour vous !

Rappel des règles d’assujettissement à la TVA

L’article 256 du Code Général des Impôts (CGI) dispose que les personnes ou entreprises qui effectuent de manière indépendante une activité de producteur, de commerçant ou de prestataires de services, quels que soient leur statut juridique, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention, sont assujettis à la TVA.

Toutefois, selon l’article 256 B du CGI, les personnes morales de droit public ne sont pas assujetties à la TVA pour l’activité de leurs services administratifs, sociaux, éducatifs, culturels et sportifs lorsque leur non-assujettissement n’entraine pas de distorsions de concurrence.

La cour administrative d’appel de Nantes a confirmé que cette dérogation s’applique aux EHPAD dès lors qu’ils remplissent deux conditions cumulatives :

  • l’activité d’EHPAD doit être exercée par un organisme agissant en tant qu’autorité publique

le non-assujettissement de l’EHPAD ne doit pas conduire à des distorsions de concurrence d’une certaine importance avec les opérateurs privés.

Les deux conditions de non assujettissement à la TVA aux EHPAD sont:

1. L’Activité d’EHPAD doit être réalisée par un organisme public agissant en tant qu’autorité publique

Selon la jurisprudence européenne, lorsque l’activité est exercée dans le cadre du régime juridique particulier aux personnes morales de droit public, cette condition est remplie.

Pour que l’EHPAD ne soit pas assujetti à la TVA, l’activité doit être exercée dans des conditions différentes de celles des opérateurs économiques privés. C’est le cas lorsque :

  • l’EHPAD dispose de prérogatives de puissance publique ;
  • l’EHPAD exerce son activité en raison d’une obligation légale ou dans le cadre d’un monopole ou encore que l’activité exercée relève par nature des attributions d’une personne publique ;
  • l’activité exercée est exonérée par la législation de l’état membre en vertu de l’article 132 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006.

La France a opté pour cette faculté et admet que les services à caractères sociaux rendus par des personnes morales de Droit public sont des activités effectuées en tant qu’autorité publique. Or, l’article L-312-1 du code de l’action sociale et des familles prévoit que sont des établissements et les services sociaux et médicaux sociaux, « les établissements et les services qui accueillent des personnes âgées ou qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l’insertion sociale ».

La Cour d’appel en déduit que lorsque l’intégralité des places de l’EHPAD sont habilitées à l’aide sociale, l’établissement a vocation à accueillir des personnes âgées à faibles ressources et donc l’établissement est reconnu comme ayant un caractère social et est considéré comme un organisme agissant en tant qu’autorité publique.

2. Le non assujettissement de l’EHPAD à la TVA ne doit pas conduire à des distorsions de concurrence d’une certaine importance avec les opérateurs privés

La Cour de Justice de l’Union Européenne a, par le passé, indiqué que la distorsion de concurrence doit s’apprécier en fonction de l’activité en cause et des circonstances économiques. Le seul fait que des opérateurs privés réalisent des prestations similaires est insuffisant.

Exemple: Dans cet arrêt la question s’est posée de l’assujettissement de l’EHPAD de Vire. Cet EHPAD ne propose que des chambres habilitées au dispositif d’aide social à l’hébergement et  ne peut par conséquent pas fixer librement ses prix. 

La Cour d’Appel de Nantes constate que :

  • l’intégralité des places de l’EHPAD gérées par le centre hospitalier de Vire sont habilitées au dispositif d’aide sociale à l’hébergement, alors que, pour les établissements privés, les lits habilités à l’aide sociale ne représentent qu’une faible part du nombre total de lits.
  • L’EHPAD, contrairement aux opérateurs privés, n’est pas en mesure de fixer librement ses prix et a vocation à accueillir un public à plus faibles ressources.
  • Les établissements privés existants proposent des prestations et des tarifs supérieurs à l’EHPAD géré par le centre hospitalier de Vire.
  • Au cas particulier, elle observe qu’aucun élément ne permet de démontrer qu’un opérateur privé serait empêché d’entrer sur ce marché spécifique ou pourrait y subir un désavantage du seul fait qu’il soit un assujetti à la TVA.

La Cour d’appel en conclut qu’il n’y a aucune distorsion de concurrence suite à la requalification de l’EHPAD publics en tant non assujetti à la TVA.

En conséquence, l’EHPAD géré par le Centre hospitalier de Vire n’est pas assujetti à la TVA et l’activité d’hébergement de personnes qu’il exerce doit être intégralement soumise à la taxe sur les salaires. L’EHPAD ne peut pas conséquent par récupérer la TVA sur ses achats.

Les EHPAD publics dans une situation similaire doivent s’interroger, eu égard aux conditions détaillées supra, pour déterminer s’ils sont considérés comme des assujettis ou des non assujettis à la TVA.

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