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Décision « Eye Shelter » : peut-on récupérer une TVA versée à tort ?

Vous avez réglé à votre fournisseur une facture incluant de la TVA alors que vos opérations étaient soumises à l’autoliquidation de la TVA ? À qui demander un remboursement et comment ? C’est la problématique rencontrée par l’entreprise Eye Shelter, qui a demandé à l’Administration fiscale un remboursement de la TVA versée à tort à son fournisseur.

Résumé de l’affaire Eye shelter

Dans l’affaire Eye Shelter n°420251, le Conseil d’État a dû déterminer si l’entreprise est en droit de demander à l’Administration fiscale un remboursement de la TVA versée à tort à son fournisseur pour une opération relevant normalement du mécanisme d’autoliquidation.

La société Alcon Pharmaceuticals, qui est assujettie, établie et identifiée à la TVA en Suisse, a vendu des marchandises à la société Eye shelter, assujettie, établie et identifiée à la TVA au Luxembourg. Les marchandises au départ de France ont été livrées en France. L’opération était donc territorialement soumise à la TVA française.

Toutefois, la France a transposé en droit interne à l’article 283-I du CGI le mécanisme du « reverse charge » prévu à l’article 194 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006.

Ce mécanisme prévoit que, lorsqu’une entreprise non établie en France facture une opération territorialement soumise à la TVA française à une entreprise identifiée à la TVA en France, aucune TVA ne soit facturée.

Il appartient au client identifié à la TVA en France d’autoliquider (collecter et déduire simultanément) la TVA en France sur sa déclaration de TVA française (CA3). 

Ainsi, aucune TVA n’aurait dû être appliquée sur cette facture par la société Alcon Pharmaceuticals. Or, une TVA a été appliquée sur la facture, que la société Eye Shelter a réglé à son fournisseur.

La société Eye Shelter, quant à elle, aurait dû s’identifier à la TVA en France pour les opérations qu’elle y réalise et procéder à une autoliquidation de la TVA (collecter et déduire simultanément).

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Conditions de remboursement de la TVA facturée à tort de l’Administration fiscale

Le Conseil d’État considère « qu’il y a lieu de rechercher si l’entreprise avait la faculté de demander à son fournisseur le remboursement de la taxe payée à tort et si, mettant en œuvre les procédures applicables, il lui est impossible ou s’avère excessivement difficile d’obtenir de son fournisseur le remboursement du montant indûment versé. Dans l’affirmative, les autorités fiscales françaises doivent procéder à la restitution demandée, pour autant qu’ait été au préalable éliminé tout risque d’un préjudice financier pour le Trésor public ».

En savoir plus :  Le raisonnement du Conseil d’État reprend l’analyse effectuée par la Cour de Justice de l’Union européenne dans l’affaire Tibor Farkas du 26 avril 2017 (Affaire : C-564/15).

L’Administration fiscale doit donc rembourser la TVA facturée à tort à l’entreprise lorsqu’elle remplit cumulativement trois conditions :

Condition 1 : l’entreprise doit avoir la faculté de demander le remboursement

Le Conseil d’État précise que l’entreprise doit avoir la faculté de demander à son fournisseur le remboursement de cette TVA. Or, le code civil français dispose que « celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû, doit le restituer ». Dès lors, cette condition est de fait remplie.

Condition 2 : il est impossible ou excessivement difficile d’obtenir le remboursement auprès de son fournisseur

L’entreprise doit avoir mis en œuvre différentes procédures afin d’obtenir le remboursement de cette TVA directement auprès du fournisseur (demande de remboursement, émission d’une facture rectificative, procédures judiciaires de recouvrement). A l’issue, s’il demeure impossible ou excessivement difficile d’en obtenir le remboursement, cette condition est remplie.

En pratique, ce sera notamment le cas lorsque l’entreprise est insolvable, fait l’objet d’une procédure de liquidation/redressement judiciaire, ou lorsque les différentes procédures ont été infructueuses.

Condition 3 : la TVA a été reversée par le fournisseur à l’Administration fiscale

Le but de cette condition est de s’assurer qu’il n’y a aucun risque de perte de recette fiscale pour l’Administration.

En pratique, la TVA réglée à tort au fournisseur doit avoir été reversée à l’Administration fiscale française.

Conséquences pratiques de cette jurisprudence pour les demandes de remboursement de TVA

Une entreprise qui a payé à tort de la TVA à son fournisseur pour une opération faisant l’objet d’une autoliquidation doit :

  • Demander le remboursement de la TVA versée à tort et établir des factures rectificatives auprès du fournisseur
  • Mettre en œuvre toutes les procédures nécessaires pour récupérer la TVA auprès du fournisseur (mises en demeure, procédures judiciaires, etc.)
  • S’assurer que le fournisseur a bien reversé la TVA auprès de l’Administration fiscale.

Lorsque ces trois conditions sont cumulativement remplies, l’entreprise qui a versé à tort de la TVA à son fournisseur pour une opération normalement soumise à autoliquidation, peut adresser sa demande de remboursement directement à l’Administration fiscale.

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