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Autoliquidation de la TVA à l’importation: difficultés pratiques et solutions

La généralisation de l’autoliquidation de TVA à l’import (ATVAI) au 1er janvier 2022 a profondément modifié les habitudes, tant au plan de déclaration de TVA (CA3), qu’au plan du Document Administratif Unique (DAU). La mise en œuvre de ce nouveau dispositif n’est pas toujours simple, et apporte son lot de surprises. Nous décryptons pour vous les situations et cas pratiques rencontrés par les importateurs.

Nous avons publié de nouveaux articles sur ce sujet, intégrant les dernières réglementations et analyses.
Consultez tous nos articles concernant le thème "ATVAI", ou notre dernier article: Comment autoliquider la TVA en 2022.

Dans notre article précédent, nous rappelions le fonctionnement du mécanisme d’autoliquidation de la TVA à l’importation, sa généralisation en 2022 et soulignions les changements au niveau de la CA3. Après bientôt 6 mois d’expérimentation, nous pouvons aborder les cas pratiques et difficultés rencontrées par les entreprises.

4 sources de décalages entre CA3 et opérations comptables

Après six mois d’utilisation, les remontées de l’autoliquidation à l’import sont nombreuses. La principale difficulté est rencontrée par les experts-comptables et les services comptables, et concerne les rapprochements entre le montant prérempli dans la déclaration de TVA (CA3), les factures des fournisseurs, les documents de douane et le relevé des importations sur le service « Données ATVAI » sur douane.gouv.fr.

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Ces décalages peuvent avoir plusieurs origines: faisons le point sur les situations rencontrées.

Situation n°1 : Erreurs concernant la base imposable, la date d’exigibilité et la déclaration de l’importation sur la CA3

Bien souvent, les experts-comptables et les services comptables internes des entreprises ont tendance à prendre la facture des fournisseurs/transitaires comme base pour déclarer l’importation sur la déclaration de TVA CA3. Cela peut faire naître deux types de décalages entre la CA3 et les informations des services comptables:

  • D’une part, la base imposable à reprendre pour l’autoliquidation de la TVA à l’importation n’est pas la facture du fournisseur mais bien la valeur en douane qui figure sur le DAU import en case 47.
    Or, il est impossible de réaliser un cadrage entre la base imposable calculée par les transitaires et les factures des fournisseurs et des transitaires.  En effet, le mode de calcul de la valeur en douane est très complexe; il prend en compte différents éléments dans la détermination de l’assiette de la TVA à l’importation, aussi appelée la valeur fiscale (VF):
    • Valeur en Douane à l’Importation
    • L’incoterm d’achat
    • Droits de douane,
    • Droits anti-dumping (DAD) éventuels
    • Taxes diverses
    • Les frais de transport et manutention jusqu’au point final de destination douanière.

Par conséquent, si le service comptable détermine sa base imposable sur la base des factures fournisseurs par erreur, il ne pourra pas retomber sur le montant prérempli de la déclaration de TVA française.

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  • D’autre part, les services comptables se basent sur le mois de référence des factures fournisseurs ou de la prestation de dédouanement pour déterminer la date d’exigibilité de la TVA à l’importation. Or, la TVA à l’importation devient exigible lorsque le DAU IMPORT obtient le statut « Bon à enlever » et non lors de l’émission de la facture par le fournisseur. Cette erreur peut entraîner des décalages entre les montants des importations calculés par les services comptables et la base reprise par l’administration fiscale.Exemple : Si un fournisseur émet une facture au mois de février et que l’obtention du statut BAE sur le DAU import n’a lieu que sur le mois de mars, l’importation ne devra être déclarée qu’à partir du mois d’avril pour le mois de mars.Il est donc important de réclamer auprès de vos transitaires expressistes/transitaires les documents de douane  et relevés ATVAI pour déclarer correctement les opérations.

Situation n°2 : les achats de consommables à l’étranger sont réalisés par différents départements de l’entreprise

Vous n’importez pas de marchandises, mais ce mois-ci, les lignes relatives aux importations sont pré-remplies sur votre déclaration de TVA française (CA3).  Il peut s’agir d’achats de consommables directement effectués par les différents départements de l’entreprise (informatique, commercial).

Exemple : le département informatique achète des serveurs et du matériel informatique en Asie. Cet achat est une importation pour laquelle la TVA est autoliquidée sur la déclaration de TVA et qui fait l’objet d’un pré-remplissage par l’administration.

Il est donc nécessaire que les départements back-office soient sensibilisés aux impacts de ce type d’achats et notamment sur la nécessité de transmettre aux services comptables les informations et les différents documents relatifs à ces opérations pour qu’ils puissent les centraliser et retracer les opérations à déclarer.

Situation n° 3 : les achats DDP (Delivery Duty Paid)

Lorsqu’une entreprise française achète selon l’incoterm DDP (Delivery Duty Paid), elle s’attend à recevoir les marchandises livrées et dédouanées dans ses locaux. Elle n’imagine pas être impliquée dans les opérations de dédouanement import en France et supporter des implications fiscales.

En effet, si cet incoterm est très confortable pour l’acheteur français, depuis janvier 2022 et la généralisation de l’ATVAI,  le DDP est devenu très difficile à mettre en place pour les exportateurs étrangers. Lorsqu’ils vendent en DDP à un importateur français, les exportateurs étrangers n’anticipent pas toujours les conséquences fiscales et douanières que cela représente pour eux en France. Aujourd’hui, les exportateurs étrangers qui importent en France doivent obligatoirement posséder un numéro de TVA français, et ce même s’ils sont en possession d’un numéro EORI (également nécessaire pour passer les douanes). C’est d’ailleurs souvent au moment du dédouanement import en France que les vendeurs se rendent comptent de l’impossibilité de dédouaner en leur nom, car ils ne possèdent ni de numéro de TVA français, ni même de numéro EORI.

Dans ces conditions, et pour éviter les frais de stockage sous douane, les vendeurs étrangers, sous la pression de leur transitaire, sont parfois invités à trouver des parades. Un des subterfuges utilisé est de basculer à la dernière minute en DDP hors TVA, et ainsi d’utiliser le numéro de TVA français de leur acheteur français, parfois même sans obtenir l’accord ce dernier.

La douane import est donc réalisée sur la base :

  • du numéro de TVA français de l’importateur, qui lui possède un numéro de TVA français valide. Case 44 du DAU mention « 1008 + n° de TVA FR de l’importateur »
  • du numéro EORI de l’importateur en case 8 du DAU d’importation.

À nouveau, ces opérations peuvent passer sous la vigilance du service achat et donc des services comptables, qui auront du mal à faire les rapprochements entre la CA3 et les achats comptables.

L’anticipation reste la meilleure des armes : choisissez bien vos incoterms, transmettez des instructions de dédouanements précises à vos Représentants en Douane Enregistrés (RDE), et notamment le numéro de TVA à utiliser pour réaliser l’importation.

S’il est trop tard, pensez à réclamer les documents d’importation auprès des RDE concernés.

Situation n°4 : opérations qui ne sont pas des achats fermes (échantillons, gratuits, retours SAV,…)

En douane, l’article 163 du Code des douanes de l’Union (CDU) et 145 REC nous dit que s’il y a une transaction commerciale entre un vendeur étranger et un acheteur européen, « la facture qui se rapporte à cette valeur transactionnelle est requise comme document d’accompagnement» et doit servir de base au dédouanement import. Mais que faire des flux qui ne sont pas des transactions commerciales à l’importation et qui ne font pas l’objet d’une facture classique mais seulement d’une customs invoice ou d’une facture proforma sans paiement?

Exemple : c’est notamment le cas lors de l’envoi de biens gratuits, d’échantillons, de marchandises dans le cadre des réparations sous SAV, de locations ou de retours de marchandises suite à une prestation de travail à façon.

Toutes ces opérations ne sont pas couvertes par des factures comptables et pourtant, il s’agit d’opérations d’importation, générant une mise à la consommation des biens en France, qui sont donc soumises à la TVA à l’importation.

Malheureusement, beaucoup de ces flux passent hors des radars des services comptables car ils ne génèrent pas de paiement. Et pourtant ils ont une influence directe sur les bases TVA et le montant de la TVA autoliquidée mensuellement sur la CA3 des entreprises.

Il est encore une fois nécessaire de sensibiliser les différents départements de l’entreprise aux impacts de cette typologie d’opération et de l’importance de communiquer les informations aux services comptables pour retracer et intégrer ces flux dans la déclaration de TVA (CA3)

«Tous les flux physiques de marchandises n’appellent pas forcément de facture comptable, et toutes les factures comptables n’appellent pas forcément de flux physique de marchandise.»

Difficultés à trouver les récapitulatifs mensuels d’autoliquidation de TVA à l’import

Le service “Données ATVAI” mis à disposition sur le site de la douane permet aux experts-comptables et services comptables de consulter le détail des montants des importations pré-remplies sur la déclaration de TVA française CA3. Ce tableau, qui ne reprenait au début que les informations suivantes, a été amélioré pour reprendre l’identification des déclarants en douane :

  • Numéro de déclaration
  • Date de Bon à Enlever (BAE)
  • L’application concernée DELTA/XI/H7
  • Le numéro de l’article
  • Sa nomenclature douanière.
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Comment vérifier les données préremplies dans la CA3 concernant l’autoliquidation de la TVA à l’importation?

L’ajout de l’identification des déclarants en douane permet  de mieux cibler vos recherches et relances. Malheureusement, le relevé ne reprend toujours pas l’identification du fournisseur et le numéro des factures d’achats qui sont pourtant des éléments essentiels pour pointer les importations reprises sur la déclaration de TVA pré-remplie. Certains transitaires et RDE continuent de fournir à leur clients des récapitulatifs mensuels d’ATVAI, mais ce n’est pas le cas de tous. Si vous ne recevez rien, n’hésitez pas à en faire la demande.

Attention: Ce sont régulièrement les expressistes (transporteurs express) qui présentent, pour les importateurs français, la plus grande difficulté en termes de suivi des importations. En effet, ces derniers ne fournissent quasiment jamais les relevés ATVAI mensuels permettant de pointer les importations à reprendre sur la déclaration de TVA française.

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