TVA, Bitcoin & crypto-monnaies

Popularisées par l’apparition du Bitcoin en 2009, les crypto-monnaies sont connues  pour leur forte volatilité et les valeurs importantes qu’elles atteignent – le Bitcoin a d’ailleurs dépassé récemment la barre symbolique des 60.000 dollars (50.318 euros environ).
Si le Bitcoin est très commenté au plan financier, il est rarement analysé au plan réglementaire; nous proposons un décryptage de la crypto-monnaie sous le prisme de la TVA.

Point réglementaire: le statut des crypto-monnaies comme le Bitcoin  

Il est rappelé que selon, l’article L111-1 du Code Monétaire et Financier (CMF) que « la monnaie de la France est l’euro » et que seule cette monnaie à cours légal en France.

Toutefois, l’Article L. 54-10-1 alinéa 2 du CMF définit les actifs numériques dont  la crypto-monnaie comme  « Toute représentation numérique d’une valeur qui n’est pas émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique, qui n’est pas nécessairement attachée à une monnaie ayant cours légal et qui ne possède pas le statut juridique d’une monnaie, mais qui est acceptée par des personnes physiques ou morales comme un moyen d’échange et qui peut être transférée, stockée ou échangée électroniquement. »

Les crypto-monnaies n’ont ainsi pas cours légal en France et ne remplacent pas les monnaies traditionnelles, elles coexistent.

A ce jour il existe de nombreuses crypto-monnaies, parmi les plus connues: le Bitcoin, l’Ethereum, le Litecoin, le Ripple, l’Ethereum…

Comment fonctionne la crypto-monnaie ?

Emission et obtention de crypto-monnaies: l’exemple du Bitcoin:

D’un point de vue conceptuel, le Bitcoin ne fonctionne pas comme une monnaie traditionnelle.
L’émission des Bitcoins est déterminée selon une formule intégrée directement dans le logiciel. L’émission des Bitcoins sest lente et dégressive. Seulement 21 millions de Bitcoins pourront être émis.
Il est possible d’obtenir des Bitcoins soit en contrepartie de biens ou services,  soit en achetant des Bitcoins avec des monnaies ayant cours légal, soit en validant des transactions financières sur le réseau (activité de mining développée infra).

Sécurisation et validation des transactions financières (Blockchain et activité de mining):

Comme toutes les transactions financières, les transactions de crypto-monnaies doivent être validées. Contrairement aux monnaies qui fonctionnent de manière centralisée via des institutions financières, les transactions de crypto-monnaies reposent sur un système décentralisé, la « Blockchain » (chaine de blocs).

La « Blockchain » est un registre informatique sur lequel sont recensées toutes les transactions numériques ayant lieu sur le réseau de la crypto-monnaie. Chaque bloc de la chaine constitue un ensemble de transactions sur un laps de temps.

Des personnes (appelées mineurs)  mettent à disposition la puissance de calcul de leurs technologies informatiques (CPU, GPU, ASICS..) pour résoudre des calculs et valider des blocs de transactions financières. Les mineurs ayant validé un bloc de transactions reçoivent en récompense de la crypto-monnaie.

Opérations de change, activités de mining: quelles sont les règles applicables en matière de TVA ?

Régime TVA applicable aux opérations de change (devise traditionnelle contre Bitcoin/crypto-monnaie)

Dans l’affaire « Skatteverket contre David Hedqvist » du 22 octobre 2005, la CJUE a été amenée à se prononcer sur la question des opérations de change des crypto-monnaies contre des devises traditionnelles et le régime de TVA applicable à ces opérations.

L’opération concernait l’échange de devises traditionnelles contre des unités de la devise virtuelle « Bitcoin» et inversement, effectuées contre le paiement d’une somme correspondant à la marge constituée par la différence entre, d’une part, le prix auquel l’opérateur concerné achète les devises, et d’autre part, le prix auquel il les vend à ses clients.

Au cas particulier, Monsieur David Hedqvist se prévalait d’un avis préalable de la commission de Droit fiscal qui indiquait que l’opération en cause devait être exonérée de TVA au titre de l’article 135 paragraphe 1 sous e) de la directive/112/CE. La Skatterveket (agence suédoise des impôts) a formé un recours contre cet avis en considérant que l’opération en cause ne pouvait entrer dans le  champ de cet article.

Dans un premier temps, la CJUE a qualifié cette opération de prestation de services.

Dans un second temps, la CJUE a considéré que cette opération devait être exonérée au regard de l’article 135 paragraphe 1 sous e) de la directive 2006/112/CE.
Cet article exonère les « opérations y compris la négociation, portant sur les devises, les billets de banque et les monnaies qui sont des moyens de paiement légaux, à l’exception des monnaies et billets de collection, à savoir les pièces en or, en argent ou en autre métal, ainsi que les billets, qui ne sont pas normalement utilisés dans leur fonction comme moyen de paiement légal ou qui présentent un intérêt numismatique ».

La CJUE a considéré qu’interpréter cette disposition comme s’appliquant seulement aux devises traditionnelles la priverait d’une partie de ses effets.  Selon la CJUE, le Bitcoin n’a pas d’autre finalité que celle de moyen de paiement et qu’elle est acceptée à cet effet par certains opérateurs.
La CJUE conclut que l’exonération prévue à l’article 135 paragraphe 1 sous e) vise également la prestation de services susvisée.

La portée de cette jurisprudence est toutefois limitée. Une autre crypto-monnaie que le Bitcoin aux caractères financiers et techniques différents pourrait se voir appliquer une solution différente. En outre, l’opération en cause concerne l’échange de devises traditionnelles contre des unités de la devise virtuelle, une solution différente pourrait être adoptée par la CJUE, s’il s’agissait d’un échange entre deux devises virtuelles.

Régime applicable à l’activité de minage: Comment s’interprète cette activité au regard de la TVA?

Dans un BOI-TVA-CHAMP-10-10-10 l’administration fiscale française a précisé que l’activité de minage qui consiste à sécuriser des transactions dans le cadre des « blockchains » ne place pas les mineurs dans une relation juridique avec le réseau exploité (Bitcoin par exemple).

Les mineurs ne sont pas rémunérés par les parties à la transaction financière qu’ils sécurisent mais par le système qui s’autogère et qui les rémunèrent uniquement lorsqu’ils valident un bloc. L’administration considère donc que la rémunération est aléatoire et ne permet pas d’identifier une prestation de service individualisée réalisée par le mineur au profit d’un bénéficiaire déterminé. Un lien direct n’étant pas établi entre l’activité de minage et la récompense obtenue, l’administration conclut que cette activité n’entre pas dans le champ de la TVA. Le mineur ne doit donc pas collecter de la TVA sur la récompense perçue et ne peut donc pas exercer de droit à déduction sur la TVA qu’il a pu acquitter en amont.

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